Décès Alain Teissonnière

Même si je savais Alain Teissonnière malade, sa mort est un choc pour moi ; et elle sera ressentie douloureusement dans l’Union rationaliste. [1] Quand j’ai assuré la présidence de l’UR, j’ai bien conscience d’avoir été épaulé de tous les cotés [...], et j’en avais bien besoin. Mais peu de soutiens ont été pour moi aussi constants et fiables que celui d’Alain. D’abord il connaissait tout, de l’histoire récente de l’UR, de l’évolution des effectifs, du traitement des fichiers, des outils informatiques à mettre en place, et non seulement il savait tout, mais il savait mettre la main à la pâte et débrouiller les questions difficiles. Et non seulement il affrontait les difficultés, mais il ne se départait jamais de son calme ; même quand il était silencieux, ce qui était fréquent parce qu’il n’était pas bavard, sa présence seule était apaisante.

A.Teissonnière et thèsards Vietnamiens

Alain avait été en Algérie pendant la guerre comme soldat du contingent. Il connaissait de l’intérieur les consignes du "maintien de l’ordre" à assurer "par tous les moyens", et il a eu l’occasion de nous en parler de vive voix dans les réunions du cercle parisien. Ce qu’il a écrit à ce sujet est merveilleusement pertinent et pudique. C’est, dans le numéro 558 des Cahiers rationalistes, de mai-juin 2002, un long commentaire sur un film et un livre de Patrick Rotman, intitulés "L’ennemi intime". On y devine son expérience, mais il ne l’évoque directement que dans une note en bas de page, où l’on apprend que pour délit d’opinion il avait été condamné à la prison et muté dans un secteur dangereux. Sa réflexion , à partir du livre, le déborde et porte loin. J’extrais une phrase : "la connaissance de cette histoire franco-algérienne illustre pourquoi il faut replacer les évènements dans le long terme ; comment les politiciens, les media se trompent ou nous trompent ; de quelle façon une majorité se fourvoie alors qu’une minorité a raison. Il s’agit moins de juger que de comprendre."

Alain avait milité contre la guerre du Viet-nam et il était resté un militant de la coopération avec le Viet-nam et de l’amitié avec le peuple vietnamien. [2]

C’est l’ensemble de sa personnalité que l’Union rationaliste avait voulu reconnaître en lui attribuant en 2005 son prix annuel.

C’est un grand militant rationaliste et un grand homme de coeur que nous venons de perdre. Il nous reste à nous inspirer de son exemple. [...]

Jean-Pierre Kahane
Ancien president de l’Union rationaliste

[1Extrait de la lettre de Jean-Pierre Kahane lue lors des obsèques au Père Lachaise, le vendredi 24 avril 2009.

[2On peut lire sur le site du CCSTVN, dont Alain Teissonnière fut le secrétaire pendant de nombreuses années, des textes et messages de ses amis.